Petite question quant à l’utilisation des sangles en secours et plus particulièrement les anneaux cousus manufacturés? Dans le manuel du sauveteur (p.39) on les réduit à une utilisation “secondaire” (déport de point d’ancrage, enserrement d’AN) et à la page suivante, ils sont proscrits dans la confection des répartiteurs d’ancrages. Dans les notices constructeurs des anneaux de sangle on retrouve des utilisations en répartiteurs de charge comprenant des résistances très satisfaisantes. Les cordistes les utilisent également très massivement dans ces configurations (cf. guide des nœuds et amarrages-DPMC sur www.cqpcordiste.fr). Le ssf même s’il recommande l’utilisation de cordes pour la réalisation des répartiteurs d’ancrages autorise t’il l’usage de sangles en anneaux cousus? D’avance merci.
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Bonjour,

Il y a en fait deux questionnements importants dans le message reçu :

– 1) Quelles limites d’usage existent pour l’anneau de sangle dans les techniques secours,

– 2) Pourquoi l’anneau de sangle ne se voit pas prescrit par le SSF pour la réalisation des répartiteurs de charges ?

  1. 1)      Limites d’usage de l’anneau de sangle dans les techniques secours

Concernant les anneaux de sangles, il existe sur le marché, une très grande diversité de modèles d’anneaux. Ceux-ci peuvent aussi bien différer de par leur mode de construction, leur largeur, leur données de résistance initiale, les matériaux qui les composent (polyester, polyamide, dyneema, aramide, kevlar…) avec traitements ou sans traitements.

Dans la pratique spéléo et de spéléo secours, un anneau de sangle est, par définition, considéré comme un élément consommable, ce qui signifie qu’au regard des éléments précédemment cités, suivant l’historique de son utilisation (qui a bien peu de chances d’être connu de l’utilisateur au moment même de son emploi) mais également selon la façon dont il se verra employé (en simple, en double, en tête d’alouette, avec ou sans frottements…), sa résistance se verra soit augmentée, soit diminuée, voire très affaiblie au point de devenir particulièrement réduite. Prenons quelques exemples:

le cas d’un anneau soumis à une contrainte agressive violente lors d’une utilisation en intermédiaire pour le franchissement d’une arrête particulièrement saillante. Il s’agit d’une situation qui va entraîner des fragilités internes au sein de la sangle utilisée, fragilités visuellement indécelables une fois celle-ci lavée, mais qui vont demeurer irréversibles suivant le type de sangle utilisée.

  • le cas de d’une sangle en (ou contenant de la) dyneema (cas de plus en plus fréquent dans les sangles du commerce), utilisée sous la forme d’un répartiteur mono-sangle (pour unir deux points par exemple). Dans une telle configuration, la rupture de l’un des amarrages entraînera inévitablement, un glissement violent de la sangle dans le connecteur principal. Glissement non seulement susceptible de conduire un facteur choc élevé et qui va également induire, un frottement sangle sur sangle en mesure d’élever localement la température par friction. Le matériau dyneema possédant une  température de fusion variant entre 144 et 152°C, une telle friction ne fondra vraisemblablement pas la sangle dans son ensemble, mais en altérera de toutes évidences ses capacités ultérieures de résistance sans que cela ne soit forcement remarqué par l’utilisateur.

Une même situation peut être observable, à moindre échelle toutefois, pour une sangle utilisée en tête d’alouette qui, par ce type d’usage, sous des contraintes d’efforts importantes peut se voir impacté de ponctuels échauffements.

En pratique, ces exemples illustrent des situations pour lesquelles il est très clairement impossible pour un utilisateur d’identifier, après usage, l’éventuelle perte de résistance intrinsèque applicable à un anneau utilisé.

L’emploi d’une sangle en spéléo ou en spéléo secours répond aux même principes de précaution que ceux définis et applicables à l’emploi d’un spit. Ces deux éléments ont en effet au moment de leur utilisation une résistance intrinsèque que l’utilisateur est dans l’impossibilité d’évaluer suivant leurs types, leurs historiques et suivant les conditions de leur utilisation préalable, ce qui ne doit donc pas permettre à l’utilisateur de pouvoir considérer lors d’un mono-usage (sangle seule ou spit seul) un, 100% de fiabilité au regard du point utilisé.

  1. 2)      Les anneaux de sangle ne sont pas prescrits par le SSF pour la réalisation des répartiteurs de charges

Au sujet de l’utilisation d’anneaux de sangles qui se voient parfois préconisés dans les notices de certains constructeurs en situation de répartiteur de charge. Attention ! Il y a plusieurs éléments à prendre en considération :

  • En premier lieu, l’usage pour lequel ce montage est présenté (situation d’équipement de progression, situation de levage de charge, situation d’auto-secours…. ou situation de secours spéléo !). Ces quatre configurations sont fondamentalement différentes et n’engendrent évidement pas les mêmes contraintes en réponse à des besoins différents. Pour le cas du secours spéléo (situation où la contrainte est susceptible d’être la plus élevée), nous partons du principe qu’une installation en place doit permettre:

– le hissage et le déplacement d’une civière (soit quelques 100 DaN) en mouvements limités,

– la charge et le mouvement d’un contrepoids (soit 100 DaN de plus),

-enfin, il y a également le poids d’un régulateur en charge, voir en mouvement, donc 100 DaN de plus.

 Avec cette configuration, somme toute classique en spéléo secours, impliquant deux acteurs en mouvement, une civière en charge et les efforts éventuels liés à une reprise de charge active, les efforts générés passent alors allègrement les 550 DaN.  De tels efforts  bien loin d’être anodins, ne permettent aucunement de jouer avec une mono sangle en répartiteur de charge ou en déviateur en un point ou l’autre de l’installation.

  • En second lieu, certaines notices ou schémas publiés, correspondent certes à des montages techniques  réalisés au moyen d’anneaux de sangles et dénommés répartiteurs de charges. Toutefois, il faut prendre garde au fait que nombre de variantes présentées s’éloignent fondamentalement du concept et de l’usage des répartiteurs enseignés et appliqués aux techniques de spéléo secours. Exemples:
  • le répartiteur fait au moyen d’une seule sangle nouée en tête de mousqueton central. Dans ce cas, le lien sécuritaire aux ancrages depuis le mousqueton central présente bien des indépendances distinctes acceptables, mais toute la notion de répartition de charge entre les ancrages disparait dés lors qu’un changement d’axe de travail survient à un moment ou à un autre au cours de la mise en œuvre.
  • le répartiteur fait au moyen de deux, voir trois sangles indépendantes. Avec cette configuration, la problématique finale est similaire au concept précédent.
  • le répartiteur mono-sangle sans nouage. C’est évidemment un concept qui du point de vu du SSF se voit totalement proscrit pour un levage de personne sans sécurisation indépendante. En premier lieu, la rupture de l’un des trois points d’ancrage en utilisation entraine inévitablement un facteur choc inacceptable, que ce soit suivant l’axe ancrage – mousqueton central, que suivant l’axe des charges en mouvement… soit plus de 550 DaN en situation de contrepoids. En second lieu, la sangle, par définition élément hyperstatique, se trouve sur un tel montage en répartiteur quasi libre de circulation sans aucune capacité de freinage et par conséquent d’absorption malgré ses multiples passages croisés dans le mousqueton principal, par comparaison avec un même montage réalisé avec de la corde de 10 mm. Le montage en corde semi-statique de 10 mm, est naturellement lui auto-freinant  et fortement absorbeur du fait du diamètre de corde utilisée ainsi que des multiples passages de celle-ci dans le mousqueton d’attache. Ce concept de répartiteur de charge fait au moyen d’une corde offre de plus l’avantage de présenter lors de sollicitations extrêmes un effet fusible par une éventuelle destruction de la gaine de la corde par fusion, laissant encore, là, à ce moment précis, près de 70% de résistance au montage.

Enfin, il est fait référence dans la question posée, au guide des nœuds et amarrages édité par le DPMC sur http://www.cqpcordiste.fr . Ce document qui compile nombre de données fort intéressantes est, sans aucun doute, aux yeux du SSF un excellent travail de recherche et de compilation. Mais là encore, attention ! Lorsqu’on prend comme référence le milieu extérieur en matière de technique, il convient de tout prendre en considération. Il convient en effet de savoir que, dans le contexte du besoin de la profession des cordistes, il y a deux cadres bien distincts n’impliquant pas les mêmes besoins et obligations :

  1. Le levage de charge. Cette notion n’implique pas toujours la sécurité des personnes et reste encore assez permissif (usage de monocorde possible ainsi que de répartiteurs allégés…).
  2. La progression des opérateurs. Là, on parle alors de progression de personnes au travail ou de travail de personnes à poste. Dans ces cas, les obligations règlementaires en vigueur imposent l’emploi systématique d’une sécurisation indépendante du support de progression pour l’opérateur (ce qui dans le jargon est appelé la double corde: progression + assurance).

Trois points enfin, pour clore cette réponse :

Le choix et les avantages  de la corde de type A semi-statique pour les répartiteurs est déjà décrit par la cellule de veille technique du SSF dans un article précédemment paru : http://urlz.fr/3dsx

Une autre réponse un peu moins complète que celle-ci sur les sangles, déjà parus en 2013, consultable ici.

Le SSF rappelle qu’en spéléologie et en Spéléo Secours, les règles de pratique sont édictées par les commissions compétentes de la Fédération Française de Spéléologie au regard des besoins, des expériences, des tests menés et des obligations légales applicables à cette activité sportive.