Salut à tous et aux experts en technique en particulier

Je commence à voir apparaître dans le Jura (l’on est parfois en retard de 20 ans, mais…) des amarrages en fixe avec les vis Multi-Monti MMS de la marque HECO-Schrauben. Ce produit est déjà utilisé en escalade souterraine, mais on en voit maintenant en équipement  fixe.Il faut avouer que les  résistances annoncées par les études Italiennes sont fort sympa, surtout pour du perçage à 6 mm…

Mais avez-vous déjà envisagé l’utilisation de ces amarrages en secours ? Car je vais bientôt être interpellé sur le sujet, à n’en pas douter ! 

Réponse de la CVT

1. Les atouts du Multi-Monti

multi-monti1Ces ancrages sont des produits que l’on voit effectivement en circulation depuis un moment déjà ; ils ont commencé à être essayés par quelques spéléos vers l’année 2003. Ils sont constitués d’une tige cylindrique filetée à large pas et terminée par une tête hexagonale de 13 (tout comme les vis de plaquettes pour un diamètre de vis MMS de 7.5mm).  Lors de la mise en place, le filet taraude la roche, créant ainsi son propre filetage.

C’est un ancrage pratique d’utilisation : pour le poser, il suffit de forer, pas de trou à finir au tamponnoir..

De plus, ces vis Multi-Monti présentent de très bonnes caractéristiques de résistance et de tenue, au moins lors de leur première mise en place, dans un trou neuf. Celles-ci sont de l’ordre de 1440 DaN au cisaillement et 2480 DaN à l’arrachement.

Enfin, c’est un ancrage qui ne procure que peu de contraintes mécaniques sur la roche environnante lors de sa mise en place à comparer d’un ancrage à expansion (spits ou gougeons). C’est un accessoire de plus dans la panoplie du fana de l’escalade artificielle qui souhaite ne laisser qu’une empreinte minimale dans la roche. En effet, une fois l’escalade pliée, on dévisse et c’est finalement assez écolo… puisqu’il ne reste que les trous de perçage.

2. Les inconvénients

Ils sont hélas assez nombreux :

1. Perte conséquente de résistance au re-vissage, dans un forage déjà utilisé pour la mise en place d’une vis Multi-Monti. Ni le fabricant ni personne ne se risque d’ailleurs à donner une valeur de résistance dans ce cadre de ré-utilisation d’un perçage antérieur. C’est la friabilité du calcaire au niveau de la denture du filetage qui demeure un facteur bien difficile à évaluer.

En gros, la vis Multi-Monti ne doit servir qu’UNE fois dans un perçage NEUF.

2. L’accessoire est peu rentable en escalade artificielle si l’on est à la recherche de la performance (on parle là, hors opération de secours, évidemment). En effet, comparons-le à la cheville DBZ de chez Hilti pour laquelle il suffit de forer en diamètre 6mm sur 4.5 cm de profondeur (pour les courtes) puis de la frapper pour obtenir sa résistance définitive.

Avec la vis Multi-monti, il faut aussi percer en 6mm, mais sur 5.5 cm, puis visser intégralement pour obtenir la tenue annoncée. Or, visser est un geste qui n’est pas évident du tout en escalade artificielle, où l’on est bien souvent dans une posture limite et à bout de bras. D’autant plus que le début du vissage est difficile (il faut en effet amorcer le taraudage de la roche, bien dans l’axe du trou, et les deux mains ne sont pas de trop).

À diamètre égal, la Multi-Monti n’est pas préférable non plus à un goujon, qui doit certes lui aussi être vissé à la clé, mais sur une longueur plus intéressante, car plus courte sur certain modèles. Sauf évidemment si l’on choisit de percer plus profond que nécessaire, afin de faire écolo en l’enfonçant après usage.

3. La vis Multi-Monti reste plus chère en prix public qu’une DBZ et qu’un goujon de base, à diamètre équivalent : 1€ dans sa version de base, soit le prix d’un spit. Et ne parlons pas de la version en A5, par ailleurs bien plus difficile à trouver.

4. On ne dispose pas de données chiffrées, ni de recul concernant la perte de résistance liée à la torsion appliquée à la tête de la vis (réalisée dans un acier spécial) lors de chaque vissage et dévissage, sachant que c’est la vis elle-même qui crée son propre filetage dans le rocher, en nécessitant évidemment un couple proportionnel à la dureté de celui-ci. C’est une raison de plus pour ne pas sortir du principe de l’usage unique.

5. Les Multi-Monti demandent un outil de perçage motorisé (sauf bien entendu si l’on utilise un tamponnoir muni d’une tête de forage en 6mm …ce qui ne se trouve pas dans le commerce. Cette opération, vu la profondeur de perçage nécessaire, est presque aussi gourmande en énergie que la pose d’un spit conventionnel.

6. Une plaquette montée avec ce type de vis est incompatible avec les ancrages de type spit. Ce qui impose par conséquent de traîner des plaquettes spécialement dédiées à cet usage.

7. Enfin, il faut relever que si la pratique de ce type d’amarrage venait à se développer, et sachant que le trou n’est pas réutilisable, il faudrait repercer à chaque rééquipement du passage après avoir condamné le trou antérieur. À terme, les têtes de puits exiguës seraient détruites, tout comme les rares panneaux de roche parfois exploitables sur des franchissements dans un contexte de mauvaise roche.

3. Et dans le cadre d’escalades artificielles en opération de secours ?

Même dans ces circonstances, la pose de spits demeure indiscutablement l’option la plus fiable. En effet, si une escalade est réalisée dans le cadre d’une opération de sauvetage, on ne peut pas exclure qu’elle ne sera jamais retentée dans le futur.

La pose de goujons est aussi une bonne option, elle offre deux avantages :

– il existe une multitude de types de goujons (de très courts à très long, à expansion simple ou multiple) ;

– par rapport aux spits, les goujons procurent un gain de temps non négligeable, croissant avec la distance à parcourir.

Cependant ces derniers ont aussi leurs inconvénients :

– les goujons, qui s’oxydent plus rapidement (sauf s’ils sont en inox)  seront bien moins durables dans le temps ;

– en prenant du jeu à l’usage (selon la dureté de la roche), ils imposent un contrôle et un resserrage réguliers. Avec une limite : le moment où ils ne peuvent plus être resserrés, l’écrou étant à fond de filet, et doivent donc êtres condamnés ou extraits.

– dépassant de la roche en permanence, ils sont exposés aux risques de chutes de pierres et aux crues charriant des cailloux.

4. En conclusion

Nul doute que ce n’est pas la vis Multi-Monti qui va révolutionner la pratique de l’équipement spéléo, ni celle du secours…..

Le spit né dans les années 60 reste et doit rester l’ancrage universel pour la pratique de la spéléo, opérations de secours comprises.

Et ceci pour au moins quatre raisons :

– 50 années d’utilisation prouvent sa fiabilité en spéléologie avec un recul plus que suffisant ;

– il est durablement ré-utilisable ;

– il peut être apposé aussi bien manuellement qu’au perforateur ;

– il est connu et maitrisé par tous les spéléos normalement formés.

À nous d’être vigilants pour qu’il ne risque pas d’être confondu demain par un spéléo, clé en main, avec une vis Multi-Monti malencontreusement posée en fixe…

Bibliographie

http://www.heco-schrauben.de/ceasy/modules/cms/main.php5?cPageId=169

http://www.cens.it/06d09multimonti.htm

Spéléo n°60, P26 et 27

Données constructeur

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