Question : La Direction technique voit-elle un inconvénient à utiliser un poulie-bloqueur monobloc, type “Protraction”, dans le cadre d’un contre poids sur tyrolienne? (la rescue ou la tandem porte l’ensemble sur la tyro; la protraction porte la civiere+le contrepoids)

Avantages :
– une fois la civiere arrivée en butée de la protraction, le contrepoids peut quitter la corde : ça évite de tirer une personne en plus avec la corde de traction pour faire venir l’ensemble régulateur-civière.
– le regulateur n’a pas besoin d’exercer une force sur les 2 cordes pour mintenir la civière en butée : ça évite une tension et une fatigue rajoutées.
– la civière est parfaitement en sécurité (elle peut/doit être sécurisée en +,  avec un noeud en butée, côté corde contrepoids libre) : ça évite de perdre la civière en cas de casse de la came de la protraction.
– le régulateur contrôle seule la libération de la civière par un micro-contrepoids lors de la reprise de charge : ça évite les problèmes de communication régulateur/contrepoids et le systeme reste reversible.

Inconvenients :
– la protraction accepte -t-elle des charges max que sollicite la mise en place technique d’1 contrepoids (questions?)
– tous les ssf n’en n’ont pas
– utilisation pas encore dans les us et coutumes des speleos.

Merci de bien vouloir répondre à cette interrogation qui empêche de dormir tout un departement; on a acheté 10 protrac!!Il faudra les rentabiliser!

Réponse de la CVT : La Pro Traxion en tête de contrepoids est à proscrire

 1. Rappels

 1.1. Le contrepoids

Le contrepoids est un dispositif destiné à remonter une civière dans une verticale. Lorsque c’est nécessaire, par exemple en cours de progression ou bien au moment où la civière est parvenue en sommet de verticale, il offre à l’équipier jouant le rôle de contrepoids sous les ordres de son régulateur la possibilité de passer rapidement du mode « montée » au mode « descente ». Ceci permet par exemple de redescendre la civière, ou encore de réaliser un transfert contrôlé de la civière vers un équipement à suivre, avec l’application d’un freinage adapté aux besoins : configuration des lieux ou confort de la victime selon la position de la civière.

1.2. La Pro Traxion

C’est un poulie bloqueur monobloc de marque Petzl conçue pour le hissage d’une charge lourde. Elle est destinée aux manœuvres de matériel dans les big walls et aux opérations secours, mais s’utilise plus spécifiquement pour réaliser des mouflages.

2. La Pro Traxion en tête de contrepoids ?

Voyons dans un premier temps les contraintes qu’impose cet appareil dans un usage contrepoids, puis ses inconvénients lorsqu’on la compare à la Rescue, modèle préconisé jusqu’à nouvel ordre par le S.S.F pour la mise en œuvre d’un tel dispositif.

2.1. La Pro Traxion est contraignante

Il y a cela plusieurs raisons :

–      pour des raisons de sécurité, le fabricant impose de frapper systématiquement un mousqueton dans le trou inférieur de renvoi auxiliaire. En son absence, la fermeture de l’appareil peut-être incomplète ;

–      sa gâchette d’ouverture est parfois peu accessible, voire carrément inaccessible dans certaines configurations de montage pouvant survenir en cours d’utilisation (rotation). Ceci pose de sérieux problèmes si un déverrouillage urgent s’avère nécessaire dans un tel cas ;

–      la nécessité de la mettre en place sur un mousqueton aux côtés parfaitement parallèles. Sans cette précaution, le fonctionnement est moins efficace, voire dangereux si le défaut de parallèlisme est important : il y a risque de non accroche de la gâchette sur la corde (voir la notice produit) ;

–      lorsque la corde de traction reste en tension en sortie de Pro Traxion (cas de certains mouflages mais aussi des contrepoids) il arrive que la gâchette de la poulie bloqueur n’engrène pas. Le blocage de la corde est alors inefficace ou retardé. Ceci s’observe notamment avec des cordes raides, hyperstatique, de gros diamètres, suivant l’état de la gaine, ou une position désaxée de la poulie (voir notice produit) ;

–      enfin, l’aptitude de ce modèle à verrouiller efficacement en présence de sable ou d’argile est nettement moins bonne que celle d’un bloqueur classique.

–      en utilisation contrepoids, la Pro Traxion présente le risque de voir le nouage de codification de corde, ou bien le nœud même de la traction civière venir en butée de façon irréversible contre le corps de l’appareil. Cette situation occasionne dans tous les cas une importante perte de temps. La seule issue est bien souvent le couteau.

2.2. Inconvénients de la Pro Traxion vis-à-vis de la Rescue

–      la Pro Traxion est plus onéreuse ;

–      elle est plus lourde ;

–      sa charge de travail recommandé est de 600DaN, soit 200DaN de moins que celle d’une Rescue (800DaN).

2.3. Conclusion

Ces raisons techniques conduisent le SSF à clairement déconseiller l’utilisation d’une Pro Traxion en tête de contrepoids. Il en résulte qu’elle est peu usitée dans la pratique du secours spéléo, ce qui la déclasse encore vis-àvis de la Rescue : en effet, ses limitations et contraintes d’usage sont donc souvent mal maîtrisées.

3. Cas particulier du contrepoids sur tyrolienne
 

Il faut parfois opérer le retrait d’un équipier en contrepoids sur tyrolienne, afin de limiter la charge a déplacer, ou de faire gagner quelques centimètres en hauteur à la tyrolienne pour permettre un déplacement ultérieur plus aisé.

Là encore, c’est la Rescue qui reste conseillée, et la technique est la suivante.

Une fois la civière parvenue en butée sur la Rescue, il suffit que le régulateur monte son propre bloqueur de poing sur la corde, du côté où est installé l’équipier faisant office de contrepoids, à 5 cm précisément sous la poulie (à condition que le nouage de la traction ou son nœud de codification bute bien contre la Rescue), de manière à laisser pour la suite le jeu fonctionnel.

Il ne reste plus au régulateur qu’à demander au contrepoids de se dégager de la corde afin de décharger l’installation.

Avec cette méthode, le régulateur libère rapidement ses deux mains, ce qui lui permet à tout moment d’installer son descendeur sur le brin libre en-dessous de son bloqueur déjà en place, et ainsi donner très vite du mou pour la descente, ou encore pour le guidage freiné d’un mouvement de civière.

La méthode permet de ne faire tracter aux équipiers situés en bout de tyrolienne que la charge de la civière additionnée de celle du régulateur, ainsi devenu accompagnateur pour la phase de transfert horizontal.

Attention cependant au bon respect de la marge des 5cm pour la mise en place du bloqueur de verrouillage du contrepoids. Ceci conditionne le retrait aisé de celui-ci lorsqu’il devient nécessaire de déplacer à nouveau la civière.

4. Remarque finale

 Enfin, pour être complet, une précision s’impose : non, le SSF ne bannit pas totalement l’usage des Pro Traxion ou Mini Traxion en secours.

Pour preuve, le dernier Manuel du Sauveteur précise l’usage possible de ces équipements sur l’ensemble des mouflages moyennant un certain nombre de précautions (voir les pages 55 à 64).

Il demeure que la poulie bloqueur monobloc est bien loin d’un usage répandu et maitrisé par l’ensemble des spéléos. À plusieurs occasions, au cours de formations ou d’exercices, on a vu une Pro ou une Mini Traxion dont la gâchette était restée malencontreusement ouverte alors qu’on la pensait verrouillée, mais aussi des cas ou ces poulies étaient montées à l’envers, ce qui occasionne une importante perte de temps.

Prudence et vigilance sont donc de mise avec ces appareils. Du fait de leurs inconvénients et de leurs spécificités, il faut inciter les départements qui en sont détenteurs à bien s’assurer de la formation de leurs équipiers au maniement rigoureux des Pro et Mini Traxion.

La Cellule de Veille Technique